Les talents féminins de la greentech française: Tiphaine Bezard, co-fondatrice et directrice commerciale chez My Troc Pro

Tiphaine Bezard

Bonjour Tiphaine, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour Illari ! Alors chez MyTroc je suis la co-fondatrice et la directrice commerciale. J’ai rejoint la folle aventure de Floriane (la fondatrice de MyTroc) en 2018. L’idée originale de MyTroc vient de Floriane, qui en 2015 assiste à une scène assez ordinaire à la sortie d’une école : deux mamans faisaient un échange, une garde d’enfants contre des vêtements. Et en fait, en voyant ça, ça a fait tilt chez elle : le troc était quand même le mode d’échange le plus ancien. Floriane s’est dit qu’en utilisant davantage le troc, on réduirait la consommation de produits neufs et par conséquent l’impact environnemental, tout en favorisant l’entraide.

Qu’est-ce qui t’a poussée à rejoindre MyTroc ?

Le fameux plafond de verre. Je travaillais dans une entreprise en relation avec l’environnement depuis quelques années et je voulais évoluer. Un poste de manager s’ouvrait mais je ne pouvais pas y prétendre. J’ai ressenti une grande incompréhension devant ce refus de considérer ma candidature pour ce poste, qui a finalement été attribué à un homme. Je me suis rendue compte que si je voulais continuer à progresser il me faudrait créer moi-même une opportunité car on ne me proposerait pas d’évolution. J’ai rencontré Floriane et Judicaël qui m’ont tout de suite fait confiance pour faire avancer MyTroc.

Il me semble que My Troc Pro, c’est une histoire de femmes. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?

Oui ça l’est ! En fait quand je suis arrivée chez MyTroc en 2018, la start-up existait déjà depuis 2 ans mais il n’y avait pas encore réellement de chiffre d’affaires. Floriane s’était associée avec Judicaël et ils avaient travaillé sur le lancement de notre plateforme pour les particuliers. Quand nous avons commencé à chercher un business model BtoB, nous avons été contactés par 3 intrapreneures de la SNCF. Elles avaient pour objectif de lancer une solution contre le gaspillage en interne et suivaient un cursus dédié à l’intrapreneuriat féminin.
Ce programme est le reflet de l’engagement très fort de la SNCF en faveur de la mixité. Nous avons travaillé à fond pendant trois mois avec elles pour lancer la Boutique Eco. Je pense qu’il y avait une forte volonté de leur côté comme du notre de prouver qu’on était capables d’aller au bout de notre projet et de réussir.

“Je me suis rendue compte que si je voulais continuer à progresser il me faudrait créer moi-même une opportunité car on ne me proposerait pas d’évolution.”

Comment s’est passé ce début entrepreneurial dans un milieu majoritairement masculin ?

Pour commencer, il faut savoir qu’au début il y a 2 types de start-up : celles qui ont déjà de l’argent et celles qui se lancent avec trois fois rien. Il y a les levées de fonds évidemment, mais quand on est une femme, cela semble plus compliqué. Par exemple je me souviens d’une plateforme de prêt dirigée par 2 hommes qui a réussi à lever 2M€ très rapidement. Nous, alors même que nous avions plus d’utilisateurs et des clients très solides, on a mis beaucoup plus de temps à lever des fonds.

Quand tu es une femme, tu as déjà moins de chances d’être à la tête d’une entreprise. 5% des startups seulement sont dirigées par des femmes. Par ailleurs, tu as statistiquement moins de chances d’obtenir une levée de fonds équivalente à celle d’une équipe masculine. Le baromètre SISTA sur l’accès aux fonds montre que les femmes lèvent 2,5 fois moins que les hommes en valeur. Nous avons reçu pas mal de refus car on était moins « show off » que nos homologues masculins, je pense.

Pour vous, quelles sont les raisons qui rendent une levée de fonds plus compliquée à obtenir par une femme CEO que par un homme CEO ?

Je pense que, pour commencer, il y a le traditionnel cliché que nous sommes « trop émotionnelles » et donc pas assez rationnelles ou ambitieuses. Il y a encore beaucoup d’hommes dans le milieu de l’investissement et, je pense qu’ils s’identifient plus aux CEO masculins. C’est en partie inconscient mais cela ne joue évidemment pas en notre faveur ! Pourtant, il a été prouvé que les entreprises dirigées par des femmes ont de meilleurs résultats financiers et sont plus viables sur le long terme.

“Il faut avoir le courage d’agir et ne pas se laisser enfermer dans les rôles qu’on t’attribue. Il faut tracer sa route la tête haute et se prouver avant tout à soi-même ce que l’on vaut !”

Est-ce que des changements s’opèrent tout de même ?

Oui, quand même. Il y a davantage de femmes CEO médiatisées, particulièrement dans le secteur de la responsabilité environnementale. De plus en plus de challenges et concours s’organisent pour mettre en lumière les femmes qui portent des projets, même si ce ne sont généralement pas ceux qui proposent les prix les plus impressionnants !

Concernant MyTroc, même si la levée de fonds a été un parcours du combattant (elle l’est souvent !), nous avons pu boucler notre tour de table en Seed avec Makesense et un family office qui voulait investir dans des projets portés majoritairement par des femmes. Comme quoi les perceptions évoluent.

Le mot de la fin ?

Je tenais à préciser que les différences de traitement entre hommes et femmes ne m’avaient pas sautées aux yeux lors de mes études ou au début de ma carrière. On n’y est pas vraiment préparées mais personnellement j’y ai été confrontée vers mes 30 ans. Plutôt que de se lamenter je pense qu’il faut avoir le courage d’agir et ne pas se laisser enfermer dans les rôles qu’on t’attribue. Il faut tracer sa route la tête haute et se prouver avant tout à soi-même ce que l’on vaut !

À propos de Tiphaine Bezard

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Après un parcours dans les achats en grande distribution puis dans l’accompagnement de grands comptes dans leurs démarches d’éco responsabilité dans la filière du mobilier, Tiphaine Bezard rejoint MyTroc en 2018 pour y lancer la solution MyTroc Pro. Convaincue que le gaspillage de ressources est un enjeu majeur, elle accompagne les grands groupes et administration dans leurs démarches de transformation vers un mode de consommation plus responsable.

À propos de MyTroc

MyTroc est une plateforme grand public gratuite qui permet l’échange de biens et de services entre particuliers, avec la possibilité d’utiliser une monnaie collaborative: les noisettes. Le troc peut prendre trois formes différentes: le troc classique (un objet/service contre un objet/service), le troc-noisette (un objet/service contre des noisettes), ou le troc libre (un objet/service contre un objet/service et/ou des noisettes). Cette solution favorise l’économie circulaire, une démarche qui n’est pas sans impact positif pour l’environnement.

À propos de MyTroc Pro

MyTroc Pro est une plateforme de réemploi et de mutualisation des ressources dédiée aux entreprises. En favorisant un usage optimisé des matériels, la solution MyTroc Pro permet de faire des économies sur les achats et les coûts de traitement des déchets tout en adoptant une démarche responsable d’économie circulaire. MyTroc Pro travaille notamment pour la SNCF, Keolis, Enedis, les Arts et Métiers ou encore la région Bourgogne Franche-Comté.

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