Les talents féminins de la greentech française: Marie Combarieu, fondatrice et présidente d’Ecodrop

Marie Combarieu

Bonjour Marie ! Nous sommes heureux de te retrouver pour cette deuxième interview dédiée aux talents féminins de la Greentech.

Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler ce qu’est Ecodrop ?

ECODROP

Ecodrop offre des solutions de gestion de déchets pour les professionnels du bâtiment. Soit on leur donne accès aux déchèteries professionnelles à proximité de leur chantier à conditions préférentielles, soit on vient chercher leurs déchets sur le chantier et on oriente ces déchets vers les filières responsables, c’est-à-dire les centres de tri ou les filières de recyclage. Chaque opération est tracée automatiquement pour savoir d’où viennent les déchets et où ils vont.

La prestation comprend la partie manutention, le transport et la gestion de déchet, le tout qui est opéré par des partenaires.

J’ai créé l’entreprise en 2016, on a maintenant plus de 3500 clients avec une présence dans la France entière et on a géré plus de 200.000 tonnes de déchets depuis le début de l’année. Nous avons obtenu la labellisation Greentech Innovation en 2020.

Avant de lancer Ecodrop en 2016, quel a été votre parcours ? Étiez-vous déjà dans le domaine du BTP et de la gestion des déchets ?

J’ai un parcours très engagé : tout d’abord, je travaillais dans le secteur communication, puis, au bout de quelques années, je me suis rendue compte que je voulais m’engager dans le développement durable.

J’ai fait un tour du monde pour découvrir les initiatives environnementales, durant lequel j’ai écrit des chroniques pour Yann Arthus-Bertrand sur le site GoodPlanet.info. Quand je suis revenue, j’ai suivi un stage afin de me former aux enjeux du développement durable au Comité 21 (ndlr: réseau d’acteurs pour mettre en place le développement durable, notamment dans les collectivités, les entreprises et autres organisations, réseau créé par Simone Veil suite au Sommet de Rio).

C’est là que j’ai co-écrit un ouvrage sur la ville durable et animé des débats et conférences sur le marketing responsable. C’est aussi à ce moment que j’ai intégré Saint-Gobain Isover en tant chargée de communication et de marketing digital. J’ai beaucoup été confrontée à des sujets d’efficacité énergétique des bâtiments.

Au bout de quelques années, mon intérêt s’est précisé en faveur de l’économie circulaire et j’ai rapidement pris conscience qu’il y avait un problème lié aux déchets à résoudre dans le domaine du BTP et peu de solutions. Etant experte du web, je comprenais bien qu’il y avait quelque chose à faire avec le digital qui permettait d’aller adresser la cible des petits artisans, une cible extrêmement diffuse avec 500.000 artisans en France qui ne sont pas adressés traditionnellement par les gestionnaires de déchets. Il y avait en parallèle à ça un gros problème de décharges sauvages balancées dans la nature.

“Mon intérêt s’est précisé en faveur de l’économie circulaire et j’ai rapidement pris conscience qu’il y avait un problème lié aux déchets à résoudre dans le domaine du BTP et peu de solutions. Etant experte du web, je comprenais bien qu’il y avait quelque chose à faire avec le digital. “

Mon employeur Saint-Gobain m’a accompagnée dans la création de l’entreprise en entrant au capital lors de ma première levée de fonds. Cela m’a permis d’avoir très rapidement une crédibilité et une légitimité pour embarquer d’autres investisseurs et soutiens institutionnels. On a bénéficié dès le début d’une subvention de l’ADEME au titre des efforts qu’on faisait pour la lutte contre les dépôts sauvages.

Ces débuts montrent bien l’évolution de l’entreprise mais avez-vous rencontré des obstacles, notamment en lien avec votre statut de femme ?

Lorsque j’ai proposé ce projet au sein de Saint-Gobain, j’ai tout de suite pensé que mon statut de femme était plutôt une bonne chose; c’était quand même rare que des femmes leur proposent des projets. Aujourd’hui, quand on sait être crédible et apporte les gages du sérieux d’un projet solide, ça peut être un atout d’être une femme car il semble y avoir une volonté de compenser la sous-représentation des femmes.

Ensuite, je me suis associée avec deux hommes : mon CTO (directeur technique) et mon Directeur Général qui est en charge des opérations. Être une femme a pu être un atout pour des aspects de management global et présentation du projet auprès d’institutionnels mais je pense qu’il faut apporter un double signe de crédibilité.

“Aujourd’hui, quand on sait être crédible et apporte les gages du sérieux d’un projet solide, ça peut être un atout d’être une femme car il semble y avoir une volonté de compenser la sous-représentation des femmes.”

Remi Calmel, Directeur general, Marie Combarieu, PDG d'Ecodrop

Dans la relation client dans le secteur du BTP et du déchet en général, c’est important d’être accompagnée d’hommes. Je peux parler aux clients bien entendu, notamment issus de grandes entreprises, mais quand on parle à des personnes du bâtiment toute la journée, c’est plus facile d’avoir des hommes sur la fonction commerciale, principalement pour des questions de crédibilité.

Cependant, j’ai en effet rencontré des difficultés même si ce projet est né sous les bonnes étoiles dès l’origine : il répond fortement à un besoin, au bon moment et on a fait les bonnes levées de fonds aux bons moments pour pouvoir croître comme il fallait.

J’ai pu rencontrer quelques difficultés avec certains individus particulièrement « fermés ». Dans ces moments, je pense qu’il faut être particulièrement solide dans son engagement et son assurance et montrer que l’on est crédible.

Comment avez-vous vécu les phases de levées de fonds au sein de votre projet ?

J’ai eu 3 expériences de levées de fonds. La première était une levée “friends & family” donc avec les personnes de notre entourage proche qui nous font confiance, en plus de Saint-Gobain qui me connaissait bien, il n’y a peu eu de problème de ce côté-là.

Ensuite, il y a eu une phase très difficile avec la levée de fonds “pré-seed”: on avait fait la preuve du business model mais on n’avait pas assez de traction pour aller chercher des fonds d’investissement: on s’est donc tournés vers des “business angels”. Homme ou femme, peu importe, c’est une phase difficile car les banques ne veulent pas vous suivre. L’entreprise étant trop petite pour les fonds d’investissement, les business angels restent donc le meilleur moyen de lever des fonds, mais il faut les connaître… Après être passée par une phase de tâtonnement, j’ai finalement trouvé les bonnes personnes.

Lors de notre grosse levée de fonds de 5 millions d’euros en 2020, j’avais décidé de me faire accompagner par une banque d’affaires qui a très bien compris la dualité du statut de femme quand il s’agit de lever des fonds : c’est soit un atout, soit un problème. En effet, les fonds très orientés technologie et digital sont durs à obtenir lorsque l’on est une femme, mais les fonds d’impact favorisent davantage les entreprises dirigées par une femme.

Avez-vous eu ou suivez-vous des modèles de femmes entrepreneures pour vous inspirer ?

Non, pour moi c’est simplement l’engagement des gens qui m’inspire. Pour ma part, c’est surtout le projet TerraCycle qui m’a beaucoup inspiré. Je ne me pose donc pas la question femme/homme. Ce qui est intéressant ce sont les projets, comment ils sont menés; je connais donc beaucoup de success stories et d’échecs stories.

Si vous aviez un message à faire passer, soit à celles et ceux qui hésitent à se lancer, soit à celles et ceux qui ont déjà démarré une aventure entrepreneuriale, quel serait-il ?

Quand on y va, il faut quand même savoir vers quoi on va. C’est beaucoup de travail, beaucoup de responsabilités. Mais c’est une expérience absolument magnifique, surtout quand on fait quelque chose dans l’impact. Il faut absolument le faire si on veut essayer de changer les choses, changer le monde, proposer une nouvelle conception de l’avenir. Les transformations ne sont pas forcément des transformations technologiques majeures, mais une nouvelle manière de voir le marché.

Ce qui est sûr, c’est que les hommes et les femmes n’auront pas exactement la même approche et que les femmes ont tout autant leur place que les hommes pour le faire: nous sommes très complémentaires, il ne faut surtout pas hésiter. En revanche, il faut être prêt à faire preuve de solidité parce que oui, c’est nécessaire quand on est une femme.

Dans les sujets à impact, je trouve que les femmes ont toujours de très riches idées et n’ont pas peur des obstacles. En tant que femme entrepreneure, ce qu’il faut se dire c’est “je suis une femme et je le fais. Je le fais bien et j’y vais sans trembler. Celui qui n’a pas envie de suivre parce qu’il pense que les femmes sont moins compétentes, tant pis pour lui”.

“Dans les sujets à impact, je trouve que les femmes ont toujours de très riches idées et n’ont pas peur des obstacles. En tant que femme entrepreneure, ce qu’il faut se dire c’est “je suis une femme et je le fais. Je le fais bien et j’y vais sans trembler.”

Pour en savoir plus sur Ecodrop : https://ecodrop.net/
Profil de Marie Combarieu : https://www.linkedin.com/in/marie-combarieu-ecodrop/

A propos de la série d’articles

Pensée par l’équipe de Greentech Innovation, cette série d’interviews met à l’honneur l’entrepreneuriat féminin au sein de l’ecosystème Greentech.

Ces femmes, qui font parties des talents de la greentech française, nous dévoilent leur parcours, leurs obstacles, leurs réussites et leur vision de leur statut de femme dans le domaine entrepreneurial, encore majoritairement masculin et inégal.

Ces femmes, porteuses d’espoir pour l’avenir de l’entrepreuneuriat, nous inspirent et représentent le progrès qui s’opère, et qui doit perdurer.

Interview #1 : Tiphaine Bezard, co-fondatrice et directrice commerciale chez My Troc Pro

Retour en haut